C’était une belle surprise. Mardi soir, devant l’ambassade des États-Unis à Amman, Nour Tamimi a rejoint un groupe de manifestants. Avec sa cousine Ahed Tamimi, Nour est l’une des figures de la résistance palestinienne. En escale dans la capitale jordanienne après avoir donné une interview à la chaîne Al Jazeera à Doha, sur ses conditions de détention, Nour a ouvert une vidéo en direct sur Facebook. Et s’est immédiatement dirigée vers l’ambassade américaine. Accompagnée par son père, Naji Tamimi, elle a été accueillie en véritable héroïne par le petit groupe de manifestants.
Tous les soirs, ils sont une vingtaine à se réunir autour d’un feu. Ils chantent et dansent sur des musiques palestiniennes. Jordaniens, ils sont pour la plupart d’origine palestinienne et protestent contre la décision de Donald Trump de transférer l’ambassade américaine à Jérusalem. Mardi soir, il s’agissait du 49e sit-in. Parée de son éternel keffieh palestinien, Nour est stupéfaite. « C’est un honneur pour moi d’être là ce soir ! C’est une vraie surprise de voir mes frères dans un autre pays manifester ainsi tous les soirs. Finalement, ils ressentent ce que l’on vit en Palestine. Ça aurait été une honte pour moi de ne pas les retrouver ! » s’exclame la brune de 21 ans, assise devant un feu improvisé, un large sourire aux lèvres.
Vidéo virale
Nour Tamimi est célèbre dans le monde entier depuis le 15 décembre 2017. Ce jour-là, elle et sa cousine Ahed Tamimi, aux longs cheveux blonds et bouclés, sont apparues dans une vidéo rapidement devenue virale. On y voit les deux jeunes filles provoquer des soldats israéliens, les pousser et les gifler. La scène se situe devant la maison d’Ahed à Nabi Saleh, un village de Cisjordanie. Le 19 décembre, Ahed, 16 ans, est arrêtée avec sa mère, Nariman. Le lendemain, c’est au tour de Nour d’être interpellée. Les deux jeunes filles sont accusées d’avoir « agressé et expulsé des soldats de l’armée israélienne ». Nour est relâchée le 5 janvier contre la somme de 1 180 euros. Quant à sa cousine, douze chefs d’accusation pèsent contre elle. Elle est encore en prison.
Ce mardi soir, Nour revient sur leur vidéo. « Quand vous voyez un soldat avec une arme devant votre maison, quand on vous provoque tous les jours, c’est difficile de se retenir. Bien sûr qu’on essaie de les virer de notre terre. On n’est pas prêts d’arrêter. » Elle affirme avoir eu pleinement conscience des risques qu’elle prenait ce jour-là. « C’est le prix à payer pour notre patriotisme et pour que notre identité ne se perde pas. » Son arrestation ne l’a pas découragée, bien au contraire : cela a renforcé ses convictions. « Tout ce qu’ils font contre nous nous rend plus forts. On ne tremblera jamais ! L’occupation ne respecte aucune loi, et aucune forme d’humanité. On ne sait pas quand ils vont relâcher Ahed. Ils font ce qu’ils veulent. Quant à moi, je peux être arrêtée dès demain », soupire-t-elle. Toutes les semaines, la jeune fille doit se rendre au centre de police Benyamin, à l’est de Ramallah, pour s’enregistrer.
Sur ses conditions de détention, Nour explique qu’« il n’y a pas de traitement particulier pour les femmes. La plupart d’entre elles sont maltraitées par les soldats. Vous ne pouvez pas imaginer ce qu’elles endurent. Moi, franchement, je n’ai pas eu à me plaindre par rapport aux femmes que j’ai rencontrées. Dieu merci, il ne nous est rien arrivé à Ahed ni à moi. » La dernière fois qu’elle a vu sa cousine, c’était en prison. « Ahed est une fille forte. Comme on la connaît. Elle n’a pas du tout été affectée par la prison. Elle ne cessait de me répéter, la porte de la prison ne reste pas fermée pour toujours. » Nour renvoie l’image d’une jeune fille qui ne renonce pas. Elle fait la fierté de son père.
Famille soudée
Assis à côté d’elle, Naji Tamimi écoute sa fille tendrement. Il l’accompagne partout. Il a assisté à tous ses procès, à ceux d’Ahed, sa nièce ainsi que ceux de Nariman, la femme de son frère. « Au début, dit-il, il y a eu de la peur pour nos filles. On sait de quoi les sionistes sont capables. Mais ensuite, il y a eu de la fierté. Parce que nos enfants ont conscience de leur responsabilité historique pour se battre pour la Palestine. » Naji a lui-même été arrêté, ainsi que sa femme et son fils, quatre fois. « C’est de la routine pour nous, dit-il, et cela mène parfois à des catastrophes. Ils ont presque pris la vie de mon neveu Mohammed Tamimi, âgé de 14 ans. » Il explique que deux de ses neveux, « des martyrs », sont morts, en 2011 et en 2012. Depuis l’annonce de Donald Trump, les manifestations à Gaza et en Cisjordanie ont entraîné la mort de seize Palestiniens ainsi que celle d’un Israélien.
Autour d’eux, le groupe forme un cercle et chante. Au passage, ils écrasent un drapeau israélien dessiné à la craie, sur le sol. Bilal Banat est l’un d’entre eux. Il vient tous les soirs, depuis le 7 décembre. Mais ce soir-là, c’est particulier. « Leur visite est une fierté pour nous. Ça nous donne beaucoup de courage, et de soutien moral. On ne fait pas tout ça pour rien. On est là pour une cause qui concerne la nation arabe tout entière : Jérusalem est arabe ! » Son ami Khalid Abu Khanfar, renchérit : « Ça nous donne un peu d’air frais. On va continuer à venir, ici, tous les soirs, devant l’ambassade américaine, jusqu’à ce qu’une décision soit prise. » La main sur le cœur, Nour les rejoint pour chanter « Fida’i », l’hymne de l’Organisation de libération de la Palestine. La famille Tamimi est devenue célèbre dans le monde entier.